Homélie du père Jean Salichon
« Simon, m'aimes-tu ? »
Tout prêtre, tout religieux ou religieuse, et tout baptisé qui prend au sérieux son Baptême a entendu un jour ou l'autre cette question résonner au plus profond de sa conscience .
« M'aimes-tu ? »
L'apôtre Pierre est un homme spontané, qui réagit vite, à la limite sans prendre le temps de réfléchir , plusieurs passages de l'Evangile le montrent . Aussi il n'est pas étonnant qu'il réponde : « Mais bien sûr que je t'aime ! »
Pas étonnant ? Un peu quand même, puisque quelques jours auparavant il avait renié son Maître, ce qui n'était pas précisémment le signe d'une affection à toute épreuve.
Jésus ne se satisfait pas d'une réponde irréfléchie . Par deux fois il réitère sa question . La troisième fois, enfin, Pierre marque une petite hésitation. L'évangéliste précise même : « Pierre fut peiné de ce que, par trois fois, Jésus lui demande : « M'aimes-tu ? »
Il est probable que le père Poulenard n'aurait pas attendu la troisième fois pour hésiter avant de répondre. D'abord peut-être, parce qu'il n'avait pas l'habitude de parler à la légère, et, plus probablement, il était certainement trop modeste et trop conscient de son indignité personnelle.
Malgré ses faiblesses, malgré son reniement, par trois fois Pierre est confirmé dans la responsabilité qui lui avait été déjà annoncée : « Sois le pasteur de mes brebis ! »
Rien n'est modifié au programme initial : Simon, surnommé Pierre, reste bien la pierre sur laquelle Jésus entend bâtir son Eglise. Ainsi Jésus ne choisit pas un homme parfait pour diriger son Eglise : d'ailleurs, où l'aurait-il trouvé ? Et Pierre n'était peut-être pas le meilleur du groupe : mais ce n'est pas nous qui pouvons en juger.
Tout prêtre s'est un jour ou l'autre posé la question: « Pourquoi m'avoir choisi, moi ? D'autres auraient certainement fait mieux que moi ! »
Mystère de la liberté souveraine du Christ qui choisit qui il veut. Ceux qui ont bien connu le père Poulenard, qui ont bénéficié de son ministère, ne pensent certainement pas que le Christ a fait un mauvaix choix en l'appelant comme prêtre ; ce serait d'ailleurs bien outrecuidant de faire la leçon au Christ. Mais lui, le père Poulenard, s'est forcément posé la question : pourquoi moi ? Il a répondu à l'appel dans un esprit de foi, en faisant confiance au Christ. Et la réponse n'est jamais donnée une fois pour toutes. Elle est toujours à donner dans le quotidien de l'existence, dans telle situation précise .
Qu'on soit prêtre, religieux ou laïc, on n'a jamais fait tout ce qu'on pouvait pour servir le Christ et l'Eglise : on loupe des occasions, on cherche facilement des prétextes pour se dérober : « Je ne saurai pas faire ! C'est trop difficile ! » Et ainsi de suite. Ceci dit, il reste entendu que chacun a ses talents, ses charismes, différents de ceux du voisin : n'importe qui ne peut pas faire n'importe quoi. Il faut que chacun trouve dans l'Eglise la place qui lui convient, compte tenu de sa personnalité, de son tempérament, de ses possibilités.
Prenons au sérieux les appels du Christ. La seule réponse qui vaille, c'est finalement la réponse à la question : « M'aimes-tu ? » - « Si oui, si tu m'aimes, nous dit en quelque sorte Jésus, ne serait-ce que d'une manière très imparfaite, mais avec le désir de progresser sans cesse dans cette vie, alors suis-moi ! »
Rendons grâce au Seigneur pour le ministère du père Poulenard. Il a terminé sa mission, avec les handicaps liés à son âge : 93 ans.
« Quand tu seras vieux, dit Jésus à Pierre, tu étendras les bras, et un autre t'emmènera là où tu ne voudrais pas aller. »
Que le père Poulenard rencontre maintenant dans la paix et la pleine lumière Celui qu'il a cherché ici-bas et qu'il a annoncé à ses frères Jésus-Christ, notre Seigneur !
Jean Salichon