Les vitraux du choeur
Ce qui frappe en premier, et c’est une originalité, c’est qu’ils nous présentent des personnages superposés. La taille des fenêtres le permettait et c’est tant mieux !
On va voir que si leurs habits et leur attitude en général semblent intemporels, ils ne sont pas de même époque et leur présence ici n’est pas fortuite. Beaucoup d’autres auraient pu figurer mais ceux-ci ont été choisis et sont là pour nous enseigner et nous rappeler la foi de notre baptême.
Ils sont là au nombre de douze, comme les tribus d’Israël, comme les apôtres.
1- Arrêtons-nous à présent sur la fenêtre centrale.
Tout là-haut, au-dessus de cette composition, Dieu le Père qui nous envoie son Esprit sous la forme d’une colombe. De chaque côté, des anges portent des inscriptions en latin :
« Au commencement était le verbe » et « Le Verbe était Dieu ».
On reconnaît le prologue de l’Evangile de Jean.
Le Verbe justement, c’est le Christ, qui dans un geste de bénédiction, et d’enseignement, nous présente le livre de la Parole avec l’alpha et l’oméga, première et dernière lettre de l’alphabet grec. Echo de l’épilogue de l’Apocalypse de Saint Jean (ch.22, ver.13)
« Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin ».
Remarquez les couleurs du manteau du Christ : au nombre de trois comme la trinité : le rouge du sang, le vert de l’espérance, le bleu de l’eau du baptême.
Et l’on pourrait multiplier encore l’observation pour trouver d’autres symboles.
Remarquez aussi l’auréole en forme de croix, bien différente de celle qui entoure la tête des autres personnages.
C’est une représentation tout à fait classique dans l’art religieux que de souligner ainsi la divinité du Christ, mort sur la croix, ressuscité et glorifié. Cette particularité se retrouve sur d’autres vitraux. Vérifiez- le.
A ses côtés, Saint Pierre à qui Jésus a dit :
« Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai Mon Eglise. Je te donnerai les clés du royaume des cieux » (Mat 16,18-19)
Saint Pierre est ainsi représenté avec les clés, mais aussi avec le coq en référence à son reniement et avec un parchemin en souvenir des écrits qu’il nous a laissés.
En dessous, côte à côte, Moïse présentant les Tables de la Loi et Jean le Baptiste, le précurseur qui nous dit :
« Voici l’Agneau de Dieu »
Ces deux figures sont souvent rapprochées dans l’imagerie religieuse :
-Moïse, conducteur du Peuple de Dieu vers la Terre Promise et
- Jean Baptiste, le dernier prophète, à la charnière de l’ancien et du nouveau testaments.
Vraiment ces vitraux méritent d’être détaillés ! C’est ce que nous allons faire dans les paragraphes 2 et 3.
De part et d’autre de la fenêtre centrale, les vitraux se lisent horizontalement.
Au niveau du Christ et St Pierre, des Pères de l’Eglise c'est-à-dire des théologiens des premiers siècles dont les écrits ont contribué à fixer la doctrine et dont l’Eglise a reconnu l’autorité.
2- De gauche à droite, en commençant par le vitrail de gauche, puis celui de droite et intéressons-nous aux personnages du haut.
d’abord Saint Grégoire le Grand, pape mort en 604 et docteur de l’Eglise. Il est souvent représenté, bien entendu avec la Tiare, insigne de sa fonction, mais aussi, là, avec une colombe. En effet, son assistant raconte avoir vu souvent l’Esprit Saint, sous la forme d’une colombe, venir près de la tête du Pape pour lui souffler ce qu’il devait écrire ou décider pour le bien de l’Eglise.
Saint Augustin (354-430) est à ses côtés. Il porte la mitre et la crosse de sa fonction d’évêque d’Hippone en Afrique du nord. Converti par la prédication d’Ambroise de Milan, lui-même Père de l’Eglise, et par les prières de sa mère, Sainte Monique, il fut l’un des auteurs les plus prolifiques et son œuvre immense est remarquable sur de très nombreux sujets qui touchent la Foi et la Révélation.
Dans la fenêtre de droite, Saint Ambroise de Milan dont on vient de parler (340-397). Il a été un très grand évêque et ses œuvres écrites comme ses nombreuses prédications ont contribué à l’instruction des fidèles et à la réfutation de l’Arianisme, doctrine qui mettait en doute la divinité du Christ.
Saint Jérôme, enfin, tout à droite (347-420). Le Pape Damase dont il est le secrétaire, le charge d’une révision des traductions de la bible en latin. Ce sera l’œuvre de sa vie que l’on nomme la Vulgate. Le concile de trente déclarera cette traduction «authentique » c'est-à-dire rigoureusement fiable en matière de foi. Il est souvent représenté comme ici en profonde méditation avec, à ses pieds, un lion qui fut son compagnon durant une période de sa vie au désert et auquel il aurait retiré une épine de sa patte.
Saint Ambroise, Saint Grégoire le Grand, saint Augustin et Saint Jérôme furent les quatre docteurs de l’Eglise latine. Ce sont justement ces quatre que nous avons sous les yeux.
3- De gauche à droite, en commençant par le vitrail de gauche, puis celui de droite et intéressons-nous aux personnages du bas.
En dessous des Pères de l’Eglise et sans qu’il n’y ait apparemment de rapport entre les divers personnages, voici, aux côtés de Moïse et de Jean Baptiste, de grands noms de l’ancien testament.
Tout à gauche, le roi David vêtu du manteau royal et tenant le sceptre, signes de son pouvoir. David est une figure-clé de la Bible. Fils de Jessé de la tribu de Juda, père de Salomon, son règne se situe entre 1010 et 970 avant Jésus Christ. Connu pour avoir terrassé le géant Goliath , il fut un politicien avisé, un héros guerrier et un roi glorieux. Beau, tendre en amour, fidèle en amitié, selon les livres de Samuel, il fut aussi poète et musicien. Nous lui devons de nombreux psaumes que nous utilisons fréquement dans nos liturgies. Et Jésus, le Messie annoncé par les prophètes, sera de la lignée de David et dans les textes souvent désigné comme le « Fils de David ».
Puis trois prophètes. A côté de David, Ezechiel. Contemporain de la chute de Jérusalem (587), il avait commencé son activité prophétique auparavant mais c’est durant l’exil à Babylone qu’elle se déroule pour l’essentiel. Visionnaire d’une rare puissance d’imagination, il invite ses frères à une véritable conversion et leur annonce même qu’ils reviendront un jour dans une Terre Sainte rénovée. Sur son Parchemin, une phrase en latin : « Ossements desséchés, écoutez la Parole du Seigneur et vous vivrez » (37,4).
A la doite de Jean Baptiste, Isaïe. Personnage extraordinaire dont la vocation prophétique naît vers -740 alors qu’il est encore jeune et va se prolonger sur une durée d’au moins 40 ans. Sur notre vitrail, l’une de ses prophéties bien connue, que nous lisons avant la fête de Noël. « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils. Elle lui donnera le nom d’Emmanuel ». (7,14)
La tradition chrétienne, à la suite de l’Evangile de Matthieu, appliquera cet oracle à Marie, mère de Jésus, lui qui sera l’héritier par excellence dans la lignée de David.
La scie à ses pieds ? Isaïe aurait été coupé en deux sur ordre du roi à qui il avait reproché son infidélité.
Tout à droite enfin, Jérémie qui semble triste et songeur. Né vers -650, il est lui aussi appelé, selon son livre, à être prophète quand il est encore très jeune. Il délivre son message dans une période particulièrement troublée et assistera à la disparition du royaume du sud. Il est l’une des figures les plus connues et les plus attachants de la Bible. Sur notre vitrail, une marmite brisée à ses pieds, allusion à une prophétie imagée au tout début de son livre : Ce que je vois, c’est un chaudron sur un foyer attisé grâce à une ouverture vers le nord. Et le Seigneur me dit : C’est du nord qu’est attisé le malheur (1,13-14). Et c’est bien du nord que viendra l’invasion qui entraînera l’exil. Par la suite, les juifs découvriront le sens de ses appels à une religion intérieure, à une nouvelle alliance vécue avec un cœur nouveau.
Ces vitraux du chœur, que nous avons toujours sous les yeux, méritaient amplement ces développements qui nous ramènent à la source de notre foi.