Chapitre 1 : Vivre en pays de chrétienté
I - La formation religieuse de
l’enfance
Dans cette lettre pastorale traitant de l’ignorance en matière de religion, l’évêque du PUY, Mgr GUILLOIS, insiste sur le soin que doivent porter les adultes à la formation religieuse de l’enfant : «C’est dans l’âme de l’enfant, dans cette âme vierge, impressionnable, attentive, où les connaissance se gravent plus aisément, (...) c’est dans cette âme que doivent se déposer, comme une divine et féconde semence, les enseignements du christianisme. »
A- Un christianisme coutumier : la religion
est partout
La piété villageoise ne se manifeste pas seulement dans les lieux de culte institués dans la paroisse. Si la présence de croix doit œuvrer dans le conditionnement mental des fidèles, c’est dans l’intimité des maisons que se déroule la pratique individuelle, souvent la plus révélatrice de l’attachement au catholicisme. Le mobilier de la demeure atteste de l’observance religieuse des habitants. Gabriel le BRAS fait remarquer que « ... la maison rurale était naguère (...) un temple domestique». L’ornementation des maisons paysannes recourrait à différents symboles. Une croix pouvait être sculptée sur le linteau de la porte principale. Le crucifix sanctifie la salle commune et trouve une place d’honneur au-dessus de chaque lit. Statuettes et images précieuses ornent les meubles et décorent les murs. Dans un de ses numéros, l’Echo paroissial dépeint la demeure d’une famille :
« Un Christ de plâtre doré, souvenir d’une mission récente est appendu au mur de la cheminée, et au-dessus du Christ, une madone de faïence, legs des anciens, entourée de chandeliers d’étain et d’images pieuses, semble trôner comme sur un autel et sourit d’amour à toute la maisonnée. »
" Sur les meubles ou ustensiles divers, les symboles religieux ne paraissent qu’un reflet purement décoratif de l’environnement culturel illustrant l’interprétation du sacré et du profane." « Certains passementiers de la région sculptaient des croix ou des visages de Christ sur le fronton des métiers. D’autres paraient plus simplement leur instrument de travail d’une petite croix. »
Les bénédicités avant le repas, les prières à haute voix et la récitation du chapelet sont autant de signes d’attachement à la religion dans la vie quotidienne. En 1896, l’évêque du Puy affirme que «la famille est le prolongement de l’école et du catéchisme. C’est là, sur les genoux de sa mère, que l’enfant recevait de bonne heure les premiers éléments de la doctrine chrétienne. »
Les prêtres soulignent le rôle dévolu aux parents dans l’apprentissage du sacré. Pour que la pastorale du clergé soit efficace, la transmission du sentiment religieux et l’éthique chrétienne doivent être relayés par le concours parental. : « Ne pas laisser les enfants courir les rues, surveiller leurs lectures et leur compagnie, corriger leurs mauvaises habitudes, se rendre compte si les enfants font leur prière du matin et du soir, s’ils étudient le catéchisme, (...) voilà la tâche des parents. »
A la question de la visite pastorale de 1893, « les parents veillent-ils avec soin à la formation morale et religieuse de leurs enfants ? », le curé Badiou répond par l’affirmative mais fait remarquer à l’évêque « qu’il y a des tendances peu rassurantes pour l’avenir. » Est-ce à dire qu’au tournant du siècle un certain détachement des habitants se manifeste ? Répondre par « OUI » serait négliger tous les moyens mis en œuvre par le clergé pour éduquer les jeunes baptisés.
B- Le catéchisme : transmettre et alimenter la Foi.
Si la Foi s’entretient par l’implication parentale et surtout maternelle, l’initiation religieuse est à la base assurée par le clergé paroissial et les congrégations religieuses.
Le catéchisme est la première formation dispensée au jeune catholique. Elle a pour but de préparer efficacement les enfants à la première communion qui marque l’entrée dans la vie sacramentaire plénière. Les statuts synodaux règlent de façon stricte l’enseignement du catéchisme. Trois niveaux successifs sont distingués : petit catéchisme, préparation à la première communion et catéchisme de persévérance. Le catéchisme est complétée par l’instruction religieuse dispensée par l’instituteur.
D’après la visite pastorale de 1893, les enfants ayant atteint l’âge de six ans participent au petit catéchisme une fois par semaine. Le clergé veille à leur enseigner la prière. Au petit catéchisme, le curé et les vicaires professent aux enfants des deux sexes. L’évêque du Puy suggère de leur inculquer en plus « quelques couplets de cantiques... » Les enfants qui ne savent pas lire sont confiés aux Frères du Sacré-Cœur, aux sœurs de St Joseph et aux béates.
Le « catéchisme spécial pour la première communion » commence à la Toussaint et se termine pour la semaine sainte. Il est interrompu pendant la saison estivale car les enfants participent au même titre que les adultes aux travaux agricoles. Les enfants doivent le suivre pendant deux ans. C’est au grand catéchisme « que va toute la sollicitude du clergé ». Récitations, explications, chants sont savamment combinés pour instruire et intéresser les enfants de 10 à 11 ans. Un abrégé d’histoire sainte et une série de question-réponses leur permettent d’assimiler la doctrine de l’Eglise.
Pour la préparation de la première communion et de la communion solennelle , filles et garçons sont séparés : « ces catéchismes ont lieu le lundi et le vendredi à 11 h pour les filles (....) et le mardi et samedi pour les garçons. » La fréquentation assidue à ses séances doit doter la jeunesse des bases religieuses élémentaires et conduire les enfants à adopter une attitude conforme aux prescriptions de l’Eglise. Un examen d’admission est organisé avant la première communion pour juger des aptitudes et des connaissances du catéchisé. Une retraite de trois jours est prêchée avant la première communion. Le jour J, « une procession se fait avant la messe : à la communion, les enfants viennent baiser l’instrument de paix et offrent leurs cierges. »
Dans l’éducation de sa Foi, l’enfant est d’abord soutenu par sa famille puis par le clergé paroissial. Après le catéchisme l’encadrement fait brusquement défaut, comme fait aussi défaut la motivation qui conduisait à recevoir le Corps du Christ. La pleine disposition à recevoir l’eucharistie implique la responsabilité personnelle du jeune croyant et une certaine autonomie personnelle pas toujours bien assises.
Un catéchisme de persévérance est donc institué à Sainte Sigolène pour parfaire l’institution religieuse. La visite pastorale de 1893 atteste d’une telle structure : au grand dam de l’évêque du Puy, le catéchisme de persévérance n’est suivi que par une cinquantaine de filles. Au XIX ème siècle, le catholicisme s’écrit au féminin et le phénomène du dimorphisme sexuel s’observe dès l’adolescence.
En décembre 1906, les catéchismes sont fréquentés par « plus de 600 enfants, divisés en quatre groupes. » En 1893, aucun catéchisme volontaire et laïc ne prend en charge un groupe de jeunes. Comme ça été déjà dit, l’encadrement des enfants s’articule autour du clergé, des congrégations et des béates.
Au-delà de l’intériorisation des valeurs chrétiennes, le catéchisme met l’accent sur la crainte de Dieu et l’horreur de l’enfer.
C- L’éducation par l’image
Le manuel de catéchisme conservé au musée de la béate de Reveyroles nous donne une idée de l’enseignement religieux prodigué aux enfants. Cet ouvrage est divisé en quatre grandes parties : le symbole des apôtres, les sacrements, les commandements de Dieu et de l’Eglise, et enfin « prières, fins dernières, péchés, vertus, œuvres de miséricorde. » Les auteurs définissent le catéchisme comme « une instruction par demandes et par réponses sur la doctrine chrétienne. » Ce type d’enseignement fait bien du catéchisme une religion de l’image : l’instruction basée sur les gravures cherche à édifier le croyant en faisant recours à tous ses sens.
Le «Catéchisme en images» inculque à l’enfant qu’il ne peut y avoir de Salut sans la stricte application de la doctrine chrétienne. Une dépréciation de certaines valeurs terrestres est également mise en avant. Un tableau aborde la sanctification du dimanche : les scènes sont décryptées par une explication accolée à la gravure. :
« Le tableau montre un contraste frappant entre ceux qui sanctifient le dimanche et ceux qui le profanent... Au bas du tableau se trouve une usine où l’on profane le dimanche par un travail défendu. Des fidèles de tout âge, de tout sexe et de toute condition s’acheminent vers la maison du Seigneur pour y entendre la sainte messe, évitant les cabarets où sont attablés les impies et les libertins, et saluent religieusement la croix qui se dresse sur le paysage. »
Les gravures les plus marquantes sont bien évidemment les représentations de l’Enfer : monstres « à sept têtes et dix cornes », lions rugissant et serpents habitent un tableau où le diable trône en maître.
Voici l’explication qui est donnée au tableau :
« Ce tableau donne une faible idée des peines qu’on souffrira dans l’enfer. Dans le haut on voit sept ouvertures de l’enfer, qui sont marqués des premières lettres des sept péchés capitaux. O désigne l’orgueil. A l’avarice,. L la luxure. E l’envie. G la gourmandise. C la colère. P la paresse. On veut montrer que ce sont surtout les péchés capitaux qui font aller les hommes en enfer. »
« Un feu dévorant est la peine commune à tous les damnés ; mais chacun souffre des peines particulière appropriées aux péchés qu’il a commis."
(au bas du tableau) « Les transgresseurs des dix commandements de Dieu et les profanateurs des sept sacrements sont foulés au pied par une bête qui a sept têtes et dix cornes et étouffés par son souffle brûlant. »
« Au centre du séjour infernal, se trouve un cadran dont l’aiguille marque toujours la même heure, c’est l’éternité. On veut montrer par là que les peines des damnés dureront toujours, et que, une fois entré dans l’enfer, on n’en sortira jamais. »
Comme le fait remarquer Gérard CHOLVY, il ne faut pas vouloir « traquer à tout prix un christianisme de la peur » et « une volonté de culpabilisation » dans le catéchisme. Ce type d’ouvrage présente « la religion comme un frein aux passions » et insiste sur la stricte observance des devoirs du chrétien.
Une gravure, illustrant le troisième commandement de l’Eglise qui ordonne de se confesser au moins une fois par an, mêle ces deux préceptes : « faire la confession dans le carême afin qu’elle serve de préparation à la communion pascale. »
En haut du tableau, à droite, nous voyons s’ouvrir la série des fêtes que l’Eglise recommande aux chrétiens « de sanctifier par la réception des sacrements de pénitence et d’eucharistie. »
« A gauche, on voit la porte du Carême que l’Eglise ouvre aux bons chrétiens » et que des fidèles pieux s’empressent de franchir. Dans une vision dualiste, les auteurs dénoncent le relâchement des mœurs : alors que certains se sanctifient, d’autres préfèrent « les plaisirs du monde à l’accomplissement du devoir religieux."
Sur cette image, le bal apparaît clairement comme l’antichambre de l’enfer.
La Foi est avec l’Espérance et la Charité une vertu théologale. Le but de l’Eglise est la bonne transmission du message divin. Une fois que l’individu a reçu les bases de l’initiation religieuse, il peut intégrer la communauté paroissiale.
II- L’adhésion extérieure et
publique au catholicisme
La pratique des sacrements est partie intégrante de la vie chrétienne. L’assistance régulière à la messe du dimanche est l’occasion publique de manifester son attachement au catholicisme. Mais la messe dominicale demeure largement une pratique sociale : il y a souvent une grande distance entre la présence physique au culte et la participation effective. Bien que la communauté reçoive de la paroisse le même enseignement religieux, l’intériorisation de la Foi reste personnelle et ne peut être analysée collectivement.
A- Les étapes biologiques marquées par la
religion
Chaque étape biologique de la vie d’un individu est marquée par l’appartenance à l’Eglise catholique : le sacrement du baptême, de la « première communion » du mariage et de l’extrême-onction sont inscrits dans la vie de tout catholique. « Les sacrements sont des signes sacrés, institués par Notre Seigneur Jésus-Christ, pour produire la grâce dans nos âmes et nous sanctifier. (...) Il y a sept sacrements : le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Extrême-onction, l’Ordre et le Mariage. »
Le premier des sacrements est le baptême : « Le baptême est un sacrement qui efface le péché originel et qui nous faits chrétiens, enfants de Dieu et de l’Eglise. » Il est bien précisé « que le devoir des parents, quand un enfant leur est né, est de le présenter au baptême le plus tôt possible, parce que, en différant, ils exposeraient cet enfant à mourir sans être baptisé et à être éternellement exclu du paradis. » C’est très anecdotique, mais les comptes de Fabrique révèlent l’achat du sel par la paroisse : il s’agit du « sel de sagesse » que l’on dépose sur la langue du bébé.
L’étude des registres paroissiaux de Sainte Sigolène, conservées aux archives diocésaines du Puy, permet d’analyser l’attitude de la population face aux prescriptions de l’Eglise.
Le graphique qui suit visualise les délais de baptême dans la paroisse de Sainte Sigolène. Cette étude souffre d’une carence chronologique puisque nous n’avons pu utiliser que les registres de 1865 à 1902. Malgré ces lacunes, on peut remarquer une légère évolution entre ces deux dates surtout pour les familles qui attendent 2 et trois jours.
Pendant toute la période, la grande majorité des enfants sont baptisés le même jour que leur naissance ou le lendemain. On note que :
- le nombre d’enfants baptisés deux jours ou plus après leur naissance ne cesse de croître de 1860 à 1902.
- en 1884, un enfant reçoit le sacrement du baptême quatre mois après sa venue au monde.
- en 1887, un enfant né le 1er février n’est baptisé que 3 mois plus tard. Les avancées de la médecine et la chute de la mortalité infantile jouent évidemment un rôle : la crainte que l’enfant meurt sans être baptisé s’amenuise.
Lors de la visite pastorale de 1893, l’évêque du Puy tente de remédier au problème des baptêmes différés. Le curé de Sainte Sigolène explique que l’augmentation du délai est dûe à « l’attente du parrain et de la marraine » et au fait qu’il n’est averti « de la date de naissance d’un enfant que lorsqu’on le présente pour être baptisé. » : l’insouciance et la négligence éloignent peut-être aussi les parents de cette prescription. Malgré « des avis réitérés en chaire et dans les congrégations des mères de famille » le phénomène ne faiblit pas au tournant du siècle. L’évêque préconise une sanction aux familles qui font baptiser leurs enfants au-delà du temps réglementaire : « ne pourrait-il pas y avoir une sanction, par exemple la suppression de la sonnerie des cloches quand le baptême est différé ? » Ce relâchement dans le respect des coutumes ne révèle en aucun cas un détachement de la pratique religieuse : même s’ils retardent le baptême de leurs enfants, les parents restent fidèles au sacrement.
Les registres paroissiaux nous apprennent également qu’un nombre infime de naissances est contraire aux principe de l’Eglise qui prescrit la conception dans le cadre d’un couple marié. En 1884, le baptême tardif d’un enfant (quatre mois après sa naissance) paraît suspect au curé Badiou : « ... il est douteux que l’enfant soit légitime : le père et la mère se sont-ils mariés devant l’Eglise ?"
Le catéchisme prépare à recevoir l’Eucharistie. Le grand rite de passage est la première communion, cérémonie ecclésiale initiatique, généralisée au XIX ème siècle, précédée du sacrement de pénitence. Pour le clergé paroissial, la communion est la concrétisation de l’initiation religieuse puisque l’enfant accède à la vie sacramentaire plénière. Le parcours spirituel se poursuit avec la confirmation, « sacrement qui donne le Saint Esprit avec l’abondance de ses dons pour le (le fidèle) parfait chrétien. »
« Le mariage est un sacrement qui unit légitimement l’homme et la femme, leur donne la grâce de vivre ensemble chrétiennement. » Si pour l’Eglise le mariage ne peut être rompu que par la mort de l’un des deux époux, le recours au divorce est civilement reconnu de 1792 à 1814, puis à nouveau à partir de 1884.
Dans chaque acte de mariage il est stipulé que les époux apportent le certificat d’enregistrement civil afin d’attester que le mariage civil a bien eu lieu avant la cérémonie religieuse. L’Eglise ordonne « de publier les bans avant le Mariage, pour découvrir les empêchements qui pourraient y mettre obstacle". L’acte de mariage peut se présenter ainsi : «Vu le certificat constatant que les formalités civiles ont été remplies, deux publications canoniques ayant été faites sans opposition à l’église de Sainte Sigolène les deux dimanches précédents avec dispense de bans en date du .... »
Un couple ne peut sceller son alliance devant Dieu s’il est avéré qu’il y a un lien de consanguinité au quatrième degré. Nous avons cependant trouvé deux cas où les couples « ont obtenu une dispense d’un double empêchement de consanguinité au quatrième degré. » Cela n’est pas extraordinaire puisqu’il est quelque fois possible « d’obtenir du Pape ou des évêques la dispense d’un empêchement de mariage, quand on a pour cela les raisons suffisantes. »
Lors du concile de Trente, l’Eglise ordonne aux catholiques de respecter des temps pour procéder à la cérémonie du mariage :
« Le Saint Concile ordonne à tous de respecter avec soin les anciennes défenses de noces solennelles, depuis l’Avent jusqu’au jour de l’Epiphanie et depuis le mercredi des Cendres jusqu’à l’octave de Pâques inclusivement. En tous autres temps, il permet que les noces soient solennellement célébrées. Les évêques auront soin toutefois qu’elles se passent avec la modestie et l’honnêteté requises car le mariage est une chose sainte qui doit être traitée saintement. »
Ces interdits concernent le mariage mais aussi les conceptions qui ne doivent pas avoir lieu pendant les temps clos. Le respect du Carême est plus difficile à cerner que celui de l’Avent car il varie sur plusieurs semaines en fonction des phases de la lune. Seul le mois de mars est fréquemment compris en entier dans « le temps clos » (en effet, l’Eglise interdit les mariages pendant les périodes de pénitence, de jeûne et d’abstinence). L’analyse du respect de l’Avent est plus aisée car ce temps clos correspond approximativement au mois de décembre.
Les couples profitent du mois de février, placé entre l’Avent et le Carême, pour se marier. Il en est de même pour le mois de novembre. La prescription pour les mois de décembre et mars est presque toujours respectée : de 1865 à 1902, on relève tout de même 20 mariages en mars (6 unions le même jour, le 3 mars 1886) et seulement 5 mariages en décembre. Pour pouvoir se marier pendant « les temps clos », certains couples obtenaient « une dispense de l’empêchement de temps prohibé."
La date de mariage n’est pas seulement dictée par les prescriptions de l’Eglise ; elle l’est aussi par les travaux des champs. Peu de mariages se célèbrent en juillet ou en août. Mais on s’aperçoit qu’un nombre important de Sigolénois se marient en juin. Le fait que l’agriculture devienne l’activité complémentaire de la rubanerie explique en grande partie ce phénomène.
« L’extrême-Onction est un sacrement institué par Notre Seigneur Jésus-Christ pour le soulagement spirituel et corporel des malades. »
Pour les populations, le prêtre qui délivre les derniers sacrement s’apparente « à l’ange de la mort. » Tout fidèle ayant atteint l’âge de raison et gravement malade peut recevoir ce sacrement qui permet de « mourir saintement. » Après avoir reçu du souffrant sa dernière confession, le prêtre lui administre l’extrême-onction et lui prodigue le Saint Viatique, c’est-à-dire l’ultime communion eucharistique.
Le culte rendu aux morts est très répandu dans la religion catholique. Pour les célébrations du baptême, du mariage et des enterrements, plusieurs classes sont distinguées : ces classes ont pour but de permettre à chaque fidèle de ritualiser les cérémonies selon leurs moyens financiers. Le faste des cérémonies de première classe illustre la notoriété et le rang du défunt dans la hiérarchie sociale du village : le nombre de personnel du clergé, les habits sacerdotaux, les sonneries, le nombre de cierges varient selon les classes.
« Aux enterrements de troisième classe, l’officiant ne prend que le surplis et l’étole pour la levée du corps et le convoi au cimetière. Quatre cierges à l’autel et 6 autour du cercueil.
Pour la deuxième classe, chape à l’enlèvement et au convoi. Vingt cierges, 6 à l’autel, les autres autour du cercueil ; aux offices quatre cierges à l’autel, quatorze au banc mortuaire. Officiant, le vicaire de semaine.
A ces deux classes, offrande aux messes et après l’absoute. Aux enterrements, cette offrande se fait au cimetière ; après l’officiant récite le De Profondis.
A la première classe, dalmatiques à la première grande messe ; chape à la deuxième et au cimetière où vont les trois prêtres ; offrandes aux messes seulement. Officiant : monsieur le curé. »
Aucune rétribution n’est demandée au plus démunis : les fournitures nécessaires aux obsèques sont à la charge de la Fabrique. Le prêtre ayant officié est « payé sur les fonds de la Fabrique. » Des services funèbres sont rendus le septième jour, le trentième ou le quarantième jour après les funérailles. Les messes dites « du Purgatoire » sont célébrées pour accélérer le passage de l’âme du défunt du Purgatoire au Paradis. Dans son testament, le curé MENUT, « donne aux prêtres de Sainte Sigolène la somme de trois cents francs pour messe. » Anne DELEAGE lègue quatre cents francs pour honoraires de messe et pour le salut de son âme. Les honoraires de messe correspondent au tarif des oblations en vigueur dans le diocèse.
L’assiduité aux offices dominicaux témoigne d’une appartenance à la confession catholique mais « laisse seulement présumer une religion véritable, c’est-à-dire la profession personnelle de la foi et de la morale chrétiennes. »
B- L’assistance à la messe
La messe dominicale est l’axe central de la pratique coutumière. Dans les villages atomisés en plusieurs hameaux, l’église devient le lieu de rassemblement des habitants.
Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire font remarquer toute la difficulté qu’il y a à appréhender la vie religieuse. : « Comment parvenir à l’approche de la ferveur, des élans mystiques, d’une face cachée de la religion populaire, capable d’intériorisation. » Si l’assiduité aux offices permet de mettre à jour l‘appartenance au catholicisme, cela ne permet en aucune mesure de sonder la conscience et d’évaluer avec certitude la ferveur des habitants de Sainte Sigolène. Combien de personnes vont communier à la messe en ayant le sens profond de l’Eucharistie ?
Dans un rapport, assez sévère, datant de l’an VIII, le sous-préfet d’Yssingeaux s’écrit : «L’Eglise c’est leur opéra » en constatant l’impossibilité d’empêcher le culte réfractaire dans son arrondissement. Il poursuit en disant que « la messe est le lieu de tous leurs rendez-vous (...), c’est là qu’ils étalent leurs parures, leur luxe, leurs bijoux et où ils traitent souvent leurs affaires, (...). S’opposer à ces espèces d’assemblées, c’est vouloir changer les habitudes de tout un peuple. » La visite pastorale de 1893 atteste que le parvis et le hall de l’église était un lieu de réunion des habitants :
« La religion est ici, généralement pratiquée, même dans les observances les plus minutieuses. Les cérémonies appellent un grand concours de fidèles ; ses ministres sont honorés et écoutés. Mais je crains que cet empressement et cette régularité ne soient plus démonstratifs que sérieux. »
En effet, la tenue des hommes aux offices laisse beaucoup à désirer. Au début du XIX ème siècle, le curé MOREL ne perçoit pas une démobilisation quant à l’assistance aux cérémonies mais fait remarquer, en janvier 1907, la manière « dont certains hommes, jeunes et vieux, entendent la messe.» Il ne suffit pas d’assister à la messe pour être un bon chrétien ; il faut aussi participer et venir à l’église avec « le paroissien sous le bras. » Le prêtre remarque « quelques-unes paraissent fort embarrassés de leurs mains, d’autres les joignent plus ou moins dévotement. D’autres enfin, les bras croisés sur la poitrine se tiennent devant le Bon Dieu dans l’attitude d’une statue de bronze en face de la postérité. » Il engage « tous les chrétiens peu fervents, » (...) de se munir d’un livre de prières : cela «leur éviterait beaucoup de distractions » et « ils auraient entendu la messe avec foi, piété et intelligence. » Pour l’abbé MOREL, les fidèles sigolénois « assistent à la messe, à vêpres, aux offices et au cérémonies sans y rien comprendre. »
En 1896, Mgr GUILLOIS posait déjà un regard inquiet sur l’assistance à la messe : « Ce n’est plus dans l’opinion d’un très grand nombre, qu’une vieillerie, une tradition d’un autre âge, incompatibles avec les habitudes de notre époque. »
Pour empêcher les errances de certains paroissiens, le curé MOREL entreprend de mieux encadrer les hommes. En 1893, ils assistaient à l’office dominical, « près de la porte » de l’église. En 1906, la grande nef leur est entièrement réservé lors de la messe du dimanche ; les chaises y sont gratuites. L’Echo rappelle aux mères de famille, aux jeunes filles, qu’une fois « la messe commencée, elles doivent pénétrer dans l’église par la porte latérale. » Les nefs latérales sont donc occupées par les femmes ; les Sœurs et les béates servant à surveiller les jeunes filles. Le curé tend à éviter tous les vagabondages de l’esprit pendant l’office : ses principales alliées sont les femmes plus disposées à l’observance religieuse et à la dévotion. Les chuchotements et les discussions déplacées étaient ainsi sous contrôle grâce à un ordonnancement stratégique des fidèles dans l’église.
Les garçons se placent dans la tribune, sous l’œil vigilant des Frères de l’Instruction Chrétienne. Au XIX ème siècle, la tribune était la « hantise des curés. » Lors des visites pastorales, l’Evêque du Puy sollicite les prêtres du diocèse à ce sujet : « La tribune est-elle disposée et éclairée de manière à faciliter la surveillance ? »
Les prêtres ont toujours eu le souci d’assurer une formation religieuse continue à leurs paroissiens. Le prône dominical et les missions intérieures contribuent à l’intériorisation des valeurs catholiques. Au village, l’immixtion de la religion est totale dans chaque acte de la vie quotidienne. Au nom du respect de la morale et des mœurs d’inspiration chrétienne, le curé dénonce les lieux de sociabilité profane, les mauvaises lectures et la danse.
III- Une formation religieuse en continu
L’intégration des habitants à la vie paroissiale est multiforme. Le clergé est en lutte contre tout ce qui risque de corrompre l’éthique que l’Eglise s’évertue à développer dans la vie quotidienne de tout fidèle.
A- Les prônes
Grâce au prône dominical, le prêtre établit un véritable programme d’instruction religieuse. Le sermon était, selon l’évêque du Puy, « le catéchisme des grandes personnes : il leur offrait un moyen sûr, facile, de compléter et de préciser leurs connaissances en matière de religion. »
A Sainte Sigolène, la prédication est clairement organisée :
«On prêche à la première messe et à la seconde messe tous les dimanches de l’année, excepté le dimanche des Rameaux, Pâques et les deux dimanches qui suivent les Fêtes-Dieu. Si les fêtes de Noël et de l’Assomption, de la Toussaint tombaient un dimanche, on ne prêcherait pas. On ne prêche pas en hiver, lorsqu’il fait mauvais temps . »
L’Instruction dominicale est faite à Sainte Sigolène « à trois messes sur quatre. » C’est là que le prêtre commente la doctrine chrétienne, le sens des grandes fêtes religieuses, ... L’impact de la prédication tient évidemment aux talents d’orateur de l’officiant. Pour que le prône soit efficace, il faut que le prêtre l’adapte au public paroissial. C’est un moment fort qui permet de rompre avec la liturgie latine, obstacle à la participation active des paroissiens. L’évêque du Puy encourage le curé de Sainte Sigolène à faire réciter les prières en commun. Le prêche se termine par les annonces informant la population sur les moments forts de la vie religieuse des jours à venir.
Au XIX ème siècle, la prédication est fortement teintée « d’un moralisme sévère et vindicatif, d’une conception fort craintive d’un Dieu justicier, toujours prêt à fondre sur les pauvres chrétiens. » Parfois elle peut être aussi l’occasion où le prêtre fait part de ses orientations politiques : en 1876, le curé de Sainte Sigolène reconnaît avoir parlé en chaire contre un candidat républicain.
Un autre temps fort de l’oralité entretient cette crainte de Dieu : les missions intérieures.
B- L’instruction des adultes : les missions
intérieures
Temps de la spiritualité religieuse, le missions intérieures en milieu rural rassemblent pendant une à deux semaines tous les habitants du village. Elles sont originellement destinées à raffermir la Foi dans les régions où elle est compromise soit par manque d’éducation, soit par un fort ancrage du protestantisme. Elles voient le jour avant le Concile de Trente (1545 – 1563) mais s’interrompent pendant la période révolutionnaire. Napoléon favorisera la reprise de cette méthode pastorale essentielle.
Axée sur le renouvellement de la Foi, la mission intérieure rappelle toutes les vérités du dogme et lutte contre la conduite immorale de certains paroissiens. Dans un siècle où l’Eglise catholique veut renforcer sa visibilité hors des édifices religieux, les manifestations extérieures du culte lui permettent d’être présente dans l’espace public autrement que par les exercices cultuels. Les mises en scènes spectaculaires comme les cérémonies au cimetière ou l’érection des croix touchaient la sensibilité populaire. Suite à la mission de Révérend Père GUILHERMET en 1832, les trois croix du Calvaire furent érigées.
Le 24 mars 1872, le dimanche des Rameaux commence avec une mission prêchée par les jésuites MATHRAN et NEGRE. Elle se termine le dimanche de Quasimodo « par L’inauguration de deux statues de MUNICH, Notre-Dame du Sacré-Cœur donnée par la famille SOVIGNET de Pines et Sainte Anne, donnée par Marguerite FAYARD. » Cet événement est l’occasion de mobiliser les paroissiens pour la construction de la flèche du clocher.
D’après « la Semaine Religieuse » , de 1820 à 1850, l’espacement entre les missions était d’environ dix ans : 1826, 1832, 1842, 1852. Entre 1869 et 1890, neuf autres missions sont prêchées. La mission est donc un événement exceptionnel et la pastorale qui y est professée sort elle aussi de l’ordinaire. Pendant longtemps la pédagogie développée durant l’évangélisation est « une véritable pastorale de la peur et de refus du monde." A cette occasion, les fidèles portaient plus d’attention à un prêtre qu’il n’avait jamais vu.
Le curé était souvent l’instigateur des missions ; « Convaincu de l’utilité des retraites et des missions paroissiales, il (le curé Menut) appela souvent à Sainte Sigolène des ouvriers évangéliques. » Les missionnaires étaient fréquemment des Jésuites ou des Rédemptoristes. La congrégation des missionnaires de Saint Sauveur, appelée plus tard missionnaires du Très Saint Rédempteur, a été créée en Italie, le 9 novembre 1732 par Alphonse de Ligori. Les Rédemptoristes sont spécialement formés pour prêcher en milieu populaire rural.
C’est à la suite de missions paroissiales que des confréries virent le jour à Sainte Sigolène. Les missionnaires diocésains MONTAGNAC, FABRE et BENOIT établirent la confrérie des jeunes personnes en novembre 1826. Les retraites prêchées par le Père ROBIN permirent l’apparition des congrégations des hommes, des jeunes gens et de mères de familles. Le rôle des missions intérieures est vraiment structurant pour une paroisse rurale.
La venue de prêtres étrangers à la paroisse est toujours l’occasion d’une piété démonstrative. Les missions installent « l’Eglise dans la rue » : elles « ritualisent et théâtralisent le discours religieux ».
« Le jubilé a été prêché à Sainte Sigolène du 25 septembre au 2 octobre, par MM CORTIAL, supérieur du petit séminaire de Monistrol, et SABATIER, vicaire. La nombreuse assistance qui s’est rendue mardi matin au cimetière et la foule non moins grande qui se pressait à la cérémonie de l’Amende honorable au Sacré-Cœur, le vendredi, à la consécration de la Sainte Vierge et à la procession de clôture le dimanche, ont pu montrer aux prédicateurs combien on savait apprécier leurs instruction pleines de détails pratiques, de doctrines et d’éloquence. Nous ne dirons rien des splendides illuminations qui ont eu lieu dans ces deux circonstances. »
Lors de ce jubilé la cible de prédilection des évangélisateurs restent les hommes. Le correspondant de la semaine religieuse insiste lourdement sur l’assistance des hommes au jubilé de 1881. :
« Les missionnaires avaient invité tous LES HOMMES DE SAINTE SIGOLENE à assister à la procession jubilatoire le mercredi soir et 1200 hommes et jeunes gens ont entendu cet appel. Nous comprenons aisément que monsieur le curé, à la fin de ces exercices, ait pu dire en toute vérité que son cœur surabondait de joie, de reconnaissance pour l’avenir. »
La visée de l’Eglise est de christianiser la totalité de l’existence. Par l’intermédiaire de l’Echo Paroissial , et très certainement de ses interventions en chaire, le curé stigmatise les « mœurs relâchées » des fidèles et les écarts de la morale.
C- Dire la morale
Toute institution ecclésiale s’assigne le devoir de prêcher la morale : au XIX ème siècle, « on admet sans difficulté une identité entre la morale chrétienne et la morale naturelle. Le curé fait de l’Echo paroissial un organe de dénonciation des « mauvaises mœurs » : d’innombrables sommations sont faites pour parer aux tentations profanes et une insistante rhétorique de diabolisation des cabarets, des mauvaises lectures et de la danse se met en place.
Pour Gabriel Le Bras, « le cabaretier était sous l’Ancien Régime l’anti-curé du village. Il avait le même public, les mêmes heures d’ouverture et il retenait ses clients pendant les offices (...). » En 1814, une loi permet aux autorités civiles et religieuses d’interdire toute activité profane les dimanches et jours de fête. Détenteur de l’autorité au niveau local, le maire est sollicité par les autorités religieuses. « Un bon maire, se doit, par exemple, de fermer les cabarets pendant les offices religieux. Dans cette lutte entre le curé et le cabaretier (...), la municipalité doit prêter main-forte contre la dégradation des mœurs et contre une forme de licence particulièrement corruptrice. » Dès 1804, une délibération municipale prend des mesures pour que l’assistance au culte catholique soit respectée :
« Considérant qu’il importe à la tranquillité publique, au maintien de l’ordre et des bonnes mœurs dans cette commune, que les cabarets ne soient point fréquentés à des heures indues au culte catholique et romain, le seul professé dans la commune soit protégé, respecté et que tout ce qui tendrait à diminuer la majesté et à en troubler le libre et entier exercice soit interdit, ... »
Ainsi « Les cabaretiers et marchands ne pourront donner du vin, des jeux et des marchandises le dimanche et fêtes, la messe paroissiale et les vêpres. » Le non respect de la loi entraîne «la confiscation du pain, vin, eau de vie ou autre nourriture qui seront trouvés sur la table et des jeux » et « une amende de 5 francs pour le cabaretier ou marchand. » En cas de récidive, « les coupables seront livrés au tribunal de police correctionnelle comme perturbateurs et rebelles aux autorités. » Par le biais de la législation communale, la morale chrétienne intervient dans la vie privée des Sigolénois et régit leurs conduites personnelles.
Les autorités s’inquiètent aussi de savoir si le cabaret est voisin de l’école et de l’église : en 1875, Antoine BENETTON, cabaretier à Sainte Sigolène, souhaite ouvrir un café dans le bourg. Son local n’est « situé qu’à 3 mètres de l’école des filles tenues par les religieuses de St Joseph . » L’ouverture de cet établissement semble donc fortement compromise.
La rigidité morale pèse fortement dans les terres de chrétienté comme Sainte Sigolène. En ce qui concerne la boisson, les préceptes moralisateurs du curé MOREL n’ont de cesse d’être réitérés : « Un usage excellent existe dans notre paroisse. Lorsqu’un homme meurt, ses camarades de la même classe assistent à ses obsèques et, quelques jours après font célébrer un office pour le repos de son âme. » Le curé met en garde les « classards» de « ne pas profiter de ces réunions fraternelles pour se livrer à des excès de boisson. Qu’on choque le verre entre camarades, c’est légitime, qu’on se sente les coudes, c’est bien, mais il faut s’en tenir là et reprendre ses occupations ordinaires. »
Le cabaret est périodiquement accusé de porter atteinte à la sacro-sainte famille : « Cabaret de malheur ! C’est toi qui prend le main de la mère, de l’enfant et du vieillard, c’est toi qui détruis la santé et dégrade l’âme de l’ouvrier. »
Dans un rapport daté du 30 juin 1856, le commissaire de police cantonale de Monistrol/Loire constate l’inadéquation entre la religiosité apparente des habitants et leurs écarts en ce qui concerne la morale : « Leurs goûts sont tout simples. Ils sont généralement dévoués à l’ordre religieux. Dans la basse classe, il y a cependant un penchant pour la boisson et la débauche. » Les archives municipales de Sainte Sigolène font l’écho de beuveries et des relations parfois tendues entre la cabaretier et certains de ses clients passablement éméchés.
Le poids du rigorisme pèse sur les réjouissances terrestres. Au début du XX ème siècle, la danse entre dans la ligne de mire du curé : « Depuis longtemps nous avions projeté de dire quelques mots de ce fléau (...) qui sévit dans nos campagnes et particulièrement dans notre paroisse. Le curé reproduit un discours de Mgr BRETON sur la danse espérant que « cela puisse faire réfléchir les parents et inspirer à leurs enfants l’horreur de ce plaisir dangereux. »
L’irruption de la danse par couple gène considérablement le clergé paroissial. Si « les rondes et farandoles étaient réputées innocentes » cette nouveauté offre aux jeunes gens « l’occasion prochaine de pécher. » Le curé relate « le triste état d’esprit » qui habite certains de ses paroissiens. Passant devant la porte d’un « café .... dansant et beuglant », il voit « des jeunes gens et des jeunes filles se trémoussant à qui mieux mieux au son d’une musique égrillarde. »
La religion apparaît comme un frein aux passions et aux tentations profanes. Mgr GUILLOIS écrit à la fin du XIX ème siècle : «Jamais l’enfer n’a dépensé autant d’efforts pour obscurcir, dans les esprits même clairvoyants, la vérité divine (...). Son arme favorite, c’est la presse. »
Les romans et certains journaux sont mis à l’index par l’Echo paroissial. En novembre 1906, le périodique invite les Sigolénois à « se défier (...) des mauvais livres qui sont le poison des âmes. (...) A l’heure où l’impiété fait rage, ce serait trahison que de favoriser de son sou la presse antireligieuse. »
Le catholicisme est bien « un système totalisant d’attitudes et de certitudes à la fois religieuses, sociales et politiques. » Les paroissiens doivent suivre la ligne de conduite imposée par le clergé, soucieux de la moralisation de la société villageoise :
« Méfiez-vous de l’amusement qui demande le mystère, qui recherche l’obscurité, qui craint le regard de la mère (...). Amusez-vous bien mais dans le jeu qui délasse, et non dans les cafés chantants ou dansants où l’on applaudit une chanson à double-sens. Amusez-vous bien dans la lecture d’un journal simplement plaisant et non dans les sensuelles revues, où chaque page est une insulte à la pudeur et à la dignité de la vie honnête. Amusez-vous bien dans des parties de sport ou de gymnastique, dans la vie au grand air et non dans ces excursions où l’on revient, après un jour et une nuit de licence et de débauche, le visage blême et la bourse vide. »
Les évêques et les curés tiennent à ce que la Foi reste le fondement des vertus. Pour cela, ils mettent en place une solide instruction religieuse, insistent sur la pratique des sacrements et des temps saints et obligent tous les chrétiens à une assistance régulière des pratiques. La transmission de la Foi est un devoir et un acte majeur des relations entre religion et société : pour faire entendre et assimiler le message de Dieu, l’Eglise a eu recours à l’écrit (catéchisme, ...) et à l’oralité (prônes, missions intérieures, ...)
Hormis l’assistance à la messe dominicale, les paroisses ont d’autres occasions, publiques et vicinales, pour témoigner leur fidélité au catholicisme.